DNA 4 février 2024
Pierre Kieffer : « Je suis entré dans la peinture comme dans une énigme »
Il peint depuis une vingtaine d’années, mais expose depuis peu. Psychiatre, Pierre Kieffer a présenté en fin d’année dernière plusieurs de ses toiles chez Pyramide, quai des Bateliers, et expose jusqu’au 7 février avec quatre autres artistes à la galerie AIDA, à Strasbourg.
Il aime se confronter à la matière, aux formes, aux couleurs, aux « bords »… Et présente actuellement quelques-unes de ses toiles aux côtés des œuvres d’Hélène Heyberger, Gilbert Schlewer, Frédérique Badonnel et Sarmena Stantcheva, dans le cadre de l’exposition Candidats , proposée par les Artistes indépendants d’Alsace à la galerie AIDA, à Strasbourg.
Psychiatre, Pierre Kieffer peint depuis une vingtaine d’années, mais n’a exposé pour la première fois ses tableaux pleins de force et de jaillissements de couleur qu’en fin d’année dernière chez Pyramide, une référence à Strasbourg en matière de design et de mobilier contemporain. « J’ai longtemps gardé cette activité un peu secrète », reconnaît-il volontiers.
Au sein de son atelier sis au fond d’une cour, rue de Verdun, les toiles sont pourtant partout; habillant les murs, s’empilant au sol, encombrant les tables, témoignant d’une activité artistique prolifique. Admiratif du peintre néoexpressionniste allemand Albert Oehlen, de l’Américaine Amy Sillmann, comme de Pierre Alechinsky, cet autodidacte peint à l’instinct et à l’énergie.
« Je suis entré dans cette chose qu’est la peinture comme dans une énigme. J’ai d’abord ressenti une satisfaction, et j’ai tout de suite su que cela ne m’intéressait pas de reproduire quelque chose », explique celui qui se sent plus proche de l’expressionnisme abstrait. Porté par le plaisir de peindre, Pierre Kieffer se dit aussi « conscient des écueils » et est attentif « à ne pas aller trop loin ».
« À un certain moment, quand on peint, on a l’impression que les
choses se mettent à vivre ensemble et on continue à peindre, précisément pour faire tenir ensemble ces morceaux disparates… Mais il doit rester quelque chose d’hétérogène dans un tableau. Picasso disait qu’il ne fallait surtout pas achever une œuvre, dans tous les sens du terme. Parce que l’achever, c’est un peu la détruire. »
Or, ce qui intéresse Pierre Kieffer, c’est l’incomplétude, la fissure, l’indicible, quelque chose de l’ordre du « bord du réel » aussi; une peinture abstraite, vivante, qu’il aborde comme « une expérience personnelle ». « Il ne faut pas être obstiné par le style et les formes convenues. Même dans le geste de la main, on doit se décaler de l’image et d’un certain académisme et tenter de créer autre chose », estime-t-il.
La peinture, pour lui, « c’est le rapport à quelque chose d’impossible, qu’on frôle, qu’on construit, qu’on déconstruit… Avec des aplats de couleur, des taches qui deviennent traits, et appellent à leur tour un autre trait, un autre mélange… » Autant de surprises et d’accidents qui conduisent « à des moments de jubilation », analyse-t-il. Et de conclure : « Parfois, c’est comme si le tableau soudain prenait la main, et qu’au final, c’est lui qui vous dirigeait. »
À découvrir jusqu’au 7 février à la galerie AIDA, 130, Grand-rue à Strasbourg. Ouvert du lundi au samedi, de 14 h à 19 h. Plus d’infos :