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Ecrit de Pierre Lorentz

Hommage au Dr Pierre Kieffer

Il est, dans nos existences, des rencontres heureuses, lumineuses et bienveillantes.

Ma rencontre avec le Dr Pierre Kieffer fut l’une d’entre elles.

Tous deux Amis du Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg, nous nous étions croisés, avec son épouse, à l’occasion de plusieurs journées ou voyages culturels.

J’ignorais à l’époque son activité artistique.

C’est lors d’un voyage dans la région de Saint Etienne et de Lyon, par un glacial mois de janvier, qu’il évoqua sa peinture pour la première fois.

Nous venions de quitter le Couvent de La Tourette conçu par Le Corbusier.

Nous nous étions laissés aller à quelques confidences esthétiques sur ce lieu hors du commun.

Il me demanda, en fin de discussion, presque avec hésitation, si je pouvais être intéressé de voir ses toiles. Ce fut pour moi une grande joie.

Quelques mois s’étaient écoulés depuis cet échange hivernal quand je fus invité à la découverte de son œuvre.

Le lieu de notre rencontre fut l’atelier, son atelier, le lieu le plus secret, le plus intime de la création ; où l’homme prend une nouvelle dimension, où il créé ou récréé son propre univers, où il participe à une nouvelle naissance, celle de l’art.

Cette rencontre, en présence de son épouse, de Malcom Stuart et de Pierre Fickinger, Président des Amis du Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg, tous deux ses amis, fut pour moi inoubliable.

J’ai ressenti en ce lieu une sorte d’épanouissement intérieur.

Lieu d’expérimentation et d’expression personnelles, l’atelier a d’abord été, je crois, un lieu d’apprentissage où le médecin est devenu artisan avant d’être artiste.

Les deux grandes pièces de son atelier, précédées d’une importante bibliothèque, présentaient un grand nombre d’œuvres, au sol, le long des murs, sur les murs, sur les tréteaux, tables ou buffets.

Si nous avons en mémoire ses œuvres, nos pensons sans doute immédiatement à ses grandes huiles sur toile mais le médecin-artiste, si vous me permettez cette expression, ne se limitait pas à ce medium qui ne peut contenir tout ce qu’il avait à nous dire.

Ce premier coup d’œil mettait en lumière la richesse et la variété des techniques utilisées, de son labeur à les expérimenter et à les découvrir : acrylique sur Vélin, acrylique sur photographies, empâtements de peinture, aquarelle, encre sur papier ou pastel sur carton montraient une maîtrise aboutie des supports et de leur matière.

Le Dr Pierre Kieffer était devenu l’artiste peintre Pierre Kieffer qui dévoila ses toiles, ses papiers, ses cartons, les déplaça d’un endroit à un autre, sous différentes lumières, pour nous offrir le recul que nécessitait leur pleine appréhension.

Il le faisait, en toute élégance, avec une grande humilité, soucieux de nos premières réactions, celles qui comptent dans un premier face à face à l’œuvre.

Il fallait embrasser cette création artistique totale à cet instant.

L’œuvre est marquée par un expressionnisme abstrait intense où les couleurs vives et les grands tracés donnent un rythme assuré et une dynamique fulgurante.

Une force sous-jacente, en mouvement, se devine derrière les aplats de peinture.

Elle irrigue son œuvre sans concession.

Des figures protéiformes, pas tout à fait figuratives, s’animent, se confrontent et parfois s’affrontent dans des tensions colorées.

La peinture devient son alter ego. Ne disait-il pas lui-même que « parfois, c’est comme si le tableau, soudain, prenait la main et qu’au final, c’est lui qui vous dirigeait » !

Mais l’artiste se réserve le denier mot. Une fois presque achevée, l’œuvre reçoit un titre. Le message délivré par le peintre doit se méditer au regard de ses titres qu’il donne à chaque œuvre, un don supplémentaire et profondément didactique.

Le titre est pour moi comme une ultime impulsion que donne l’artiste à une meilleure compréhension de son œuvre.

L’artiste ne peut nier ce qu’il est, son bagage intellectuel, très riche en l’occurrence, ses réflexions, y compris professionnelles.

Nous ne devons pas nous étonner de la récurrence de thèmes peints avec le monde médical.

Terrains sans doute maintes et maintes fois explorés, le rêve est cette fois matérialisé en matière, en peinture sous les titres, En Rêve, Champ onirique dont une toile récente de début 2024, Ça conte ou Il était encore fois.

Le portrait, le visage ou la tête, enveloppes de cet inconscient qu’il a tant sondé, sont également présents dans son œuvre. Citons un autoportrait de 2003, un Portrait du Père de 2008 ou encore une Tête bleue de 2017.

L’artiste ne disait-il pas qu’il était « entré en peinture comme dans une énigme » ?

Cette énigme il continuait à l’explorer.

Dissimulation et duplicité se révèlent notamment dans une toile prodigieuse en Hommage à James Ensor.

En homme de grande culture, la musique trouve un écho fabuleux dans sa création.  Il nous invite à déchiffrer des aquarelles dénommées Partitions (2011), à entendre une autre musicalité, celles qui émanent de ses toiles intitulées Quintet ou Quatuor. Il nous convie au concert d’un The Pianist (2014), à la mise en scène de l’opéra Casse-noisette et nous entraîne dans des compositions rythmées vers des Danses, Danse au parasol, Javanaise ou encore Rock and Roll.

N’oublions pas non plus ses natures mortes ou vivantes, ses Jardins fleurs, ses énigmatiques paysages, ses visions de neige, de forêts ou de rivières.

Le propre des vrais artistes et le Dr Pierre Kieffer en était un, réellement, pleinement, n’est pas de peintre pour quelqu’un ou pire encore de produire pour être vu et reconnu mais d’entrer dans un rapport à soi avec la matière et la lumière, de trouver un langage, d’aucuns diraient un vocabulaire ou une grammaire et finalement d’extérioriser, révéler un cheminement intime.

En raison de sa grande réserve, la connaissance de son œuvre fut très tardive pour les amateurs que nous sommes, peut-être trop tardive mais il est heureux que cette peinture longtemps secrète fut révélée aux amoureux des arts, grâce au soutien inconditionnelle de son épouse Renée.

Les Amis du Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg furent très sensibles au temps d’échange fécond qui fut organisé parmi ses œuvres, il y a peu de temps, avec le Dr Kieffer et qui fut, il faut le dire, unanimement apprécié.

Reconnu depuis peu Artiste indépendant d’Alsace, exposé dans plusieurs galeries d’art ou lieux d’exposition à Strasbourg, la pleine reconnaissance de son œuvre se poursuivra, à n’en pas douter, dans les années à venir.

En m’imprégnant de son œuvre et en consultant celles présentées sur ses réseaux sociaux, j’ai été heureux de remarquer qu’une œuvre était particulièrement mise en valeur, une sorte de porte étendard, elle s’intitule « Beautiful World » et porte toute l’espérance du monde par une forme d’un vert vif.

Nous pouvons dire que grâce à lui, grâce à son œuvre, ce monde, malgré tout ce que nous vivons, est un monde merveilleux et que son art continuera, à jamais, de nous le rappeler.

 

Infiniment merci à vous pour ce don généreux, laissé à nos yeux et nos consciences.

 

Pierre LORENTZ

Vice-Président de l’association des AMAMCS
Amis du Musée d’Art Moderne et Contemporain
de Strasbourg

le 8 avril 2024

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